Le chef de l'Etat avait promis des réformes politiques dans son discours du 15 avril dernier. A la lecture des bribes informations diffusées par certains journaux sans soulever de démentis, il ressort que le contenu des projets élaborés ne répond absolument pas aux aspirations des travailleurs et de l'ensemble des citoyens à des changements démocratiques de progrès. La révision du code électoral, de la loi sur les partis, de la loi sur les associations et du code de l'information est marquée par des orientations encore plus antidémocratiques.
Certains commentateurs ont à juste titre qualifié les nouvelles lois de "lois policières".
La loi scélérate sur les partis ne sera ni abrogée ni remaniée en profondeur en conformité avec les aspirations des citoyens.
Au contraire, le pouvoir renforce son contenu antidémocratique. Cette loi avait été adoptée par un organe non élu et sans légitimité en 1997, le Conseil national de transition. Sous prétexte d'empêcher les islamistes d'utiliser la démocratie pour l'enterrer, le pouvoir avait remplacé la loi de 1989 par une loi qui a complètement verrouillé la vie politique et instauré un contrôle policier sur les activités et le fonctionnement des partis politiques. Rappelons les principales dispositions imposées par cette loi scélérate pour obtenir l'autorisation de constituer un parti: obligation de réunir au moins 2500 adhérents répartis dans au moins 25 wilayates à raison d'au moins 100 militants par wilaya; fournir la liste et les adresses des adhérents au ministère de l'Intérieur; tenir un congrès réunissant au moins 400 participants représentant au moins 25 wilayates sous le contrôle d'un huissier chargé de vérifier si ces conditions sont respectées; soumettre aux services financiers du gouvernement la liste des souscripteurs et donateurs, etc. Tout changement dans le programme, les statuts et la composition des organes de direction doit être porté à la connaissance des autorités sous peine de dissolution. Il va de soi que ces dispositions ne gênent en rien les islamistes. Si ses objectifs réels étaient seulement de refuser aux islamistes la possibilité d'exploiter la religion pour s'organiser et se préparer à étouffer les libertés démocratiques en cas de victoire électorale, il lui suffisait de faire appliquer la loi de 1989 qui interdisait de créer un parti sur une base religieuse. De toutes façons le régime dispose de tous les moyens de surveiller les agissements des forces réactionnaires sans entraver, s'il le voulait, l'activité des organisations démocratiques. Le gouvernement Hamrouche n'avait pas respecté la loi en accordant son agrément au Front islamique du salut. Le but du régime était et est toujours d'encourager le développement de partis islamistes réactionnaires pour contrer les forces de progrès. En fait, la loi de 1997 visait à empêcher les citoyens de jouir des libertés démocratiques en limitant le nombre de partis à un nombre "gérable" et manipulable. Malheureusement encore, si des partis sont capables d'obtenir des adhésions de masse, sans que la condition des 2500 militants ne constitue un obstacle insurmontable pour eux, ce sont bien les partis islamistes. Ils bénéficient des préjugés réactionnaires encore très ancrés dans toutes les couches de la société, y compris parmi les travailleurs et les paysans les plus pauvres. Ils peuvent ramasser en quelques jours des milliards de dinars auprès des affairistes auxquels ils sont étroitement liés et dont ils défendent ouvertement les intérêts en maquillant leurs discours sous des préceptes religieux.
Le nouveau projet ne révise en rien les obligations contenues dans la loi de 1997. Il prévoit certes que les partis dissous n'auront pas le droit d'être reconstitués. Cette clause semble viser le FIS interdit en 1992. Mais la formulation retenue peut être utilisée contre n'importe quel autre parti déclaré arbitrairement illégal par les autorités. Il peut être interdit s'il organise des attroupements non autorisés. Autrement dit, le pouvoir avoue implicitement qu'aucun rassemblement ne peut avoir lieu sans son autorisation préalable.
Le projet de nouvelle loi sur les partis accentue l'ingérence du gouvernement dans leurs affaires internes. Il impose la limitation des mandats de leurs dirigeants. Et il ne leur accordera l'agrément que si les effectifs sont composés de 30% de femmes et d'un pourcentage identique de jeunes! Il va de soi que les partis au pouvoir ne rencontrent aucune difficulté à remplir ces obligations, vu le nombre de carriéristes et d'arrivistes qu'ils drainent dans toutes les générations et dans toutes les catégories sociales. De toutes les façons, qui peut vérifier que les partis gouvernementaux réunissent ces conditions? "El laab H'mida oua er rechem H'mida" (Le joueur est H'mida et l'arbitre est H'mida)!
Il faut noter aussi que dans sa pratique actuelle, le pouvoir ne respecte pas sa loi. Refusant d'agréer les partis qui ont pourtant satisfait aux conditions exigées, il ne fournit aucune explication pour justifier ce refus contrairement aux stipulations de la loi qui lui imposent un délai de 2 mois au terme duquel son silence vaut agrément. La nouvelle loi corrige ce déni de justice, mais … en légalisant l'illégal: désormais le silence du ministère au bout de trois mois vaut refus d'agrément!
La loi sur les associations est marquée par la même tendance au contrôle policier.
Les associations devront notamment fournir au ministère de l'Intérieur les rapports moral et financier annuels. Le rapport financier devra être visé par un commissaire aux comptes! En application de cette obligation absurde, les associations devront être assez riches pour faire appel à un comptable agréé et à un commissaire aux comptes! Une manière d'interdire aux citoyens des conditions les plus modestes de s'organiser ne serait-ce que pour améliorer le cadre de vie de leur quartier ou cité.
Le code électoral n'échappe pas aux nouvelles interdictions. En violation de l'égalité proclamée par la Constitution, le citoyen qui ne détient pas un diplôme universitaire n'aura pas le droit de se présenter aux élections législatives! Une condition unique au monde! Les travailleurs, les fellah et les citoyens d'autres catégories sociales qui n'ont pas eu la chance de faire des études universitaires seront donc exclus du droit à représenter leurs classes.
Les "bi-nationaux" sont exclus du droit à présenter leur candidature aux élections, y compris locales. A croire que la souveraineté de l'Algérie n'est mieux défendue que par des "non bi-nationaux", n'est pas et n'a pas été trahie par des responsables "non bi-nationaux".
Sur le plan du code de l'information le pouvoir croit dorer la pilule en supprimant les articles prévoyant des peines de prison pour les auteurs de "diffamation" tout en maintenant de lourdes amendes à leur encontre. Le vrai problème est que la critique de quelque responsable que ce soit est considérée comme une diffamation. Les despotes, les potentats corrompus, voleurs et pilleurs de biens de l'Etat, actionnent sans retenue la justice quand ils sont dénoncés dans la presse et obtiennent gain de cause. Les poursuites arbitraires pour diffamation empêchent la libre expression et la dénonciation du despotisme et de la concussion des responsables. Le projet ne garantit en fin de compte aucune liberté de presse.
De leur côté, les bourgeois, les grands trafiquants enrichis grâce à la libéralisation de l'économie, ne s'intéressent qu'à la possibilité de lancer des chaînes de télévision pour renforcer leur emprise politique et idéologique sur les masses populaires. Le chef du gouvernement a promis cette ouverture "quand les conditions seront réunies".
Le combat pour les libertés démocratiques et la lutte contre les plans impérialistes sont étroitement liés
Devant un tel verrouillage de la vie politique, la question se pose de savoir quels sont les engagements antinationaux que le pouvoir a pris ou consent à prendre auprès des puissances impérialistes pour que celles-ci lui accordent leur visa?
Il faut signaler aussi que même si le chef du gouvernement les a démenties, des informations confirmées par le dirigeant du parti islamiste MSP circulent sur les contacts engagés avec des islamistes emprisonnés et non amnistiés. Des journaux ont fait état de l'intention des chefs de groupes armés ayant bénéficié des accords de 1998 avec l'ANP, de créer un nouveau parti islamiste. Ces chefs n'ont pas abandonné leur objectif d'instaurer un Etat islamiste. Ils attendent le moment le plus favorable pour le faire, certainement avec la complicité ouverte ou tacite des puissances impérialistes qui misent sur les islamistes, comme le montre leur ingérence en Libye et en Syrie pour renverser les régimes qui échappent à leur influence ou faire pression sur ceux qui ne se montrent pas suffisamment dociles.
Les citoyens devront poursuivre leurs luttes pour obtenir l'abrogation des lois antidémocratiques. La mobilisation la plus grande face aux plans des puissances impérialistes et de leurs alliés internes passe par la lutte contre le verrouillage antidémocratique.
(Article publié dans le Lien n°110 du 8 septembre 2011)